Nos travaux s’attachent à identifier et évaluer l’influence des déterminants de la transmission à l’humain, prédire les risques d’émergence ou de réémergence des maladies, et proposer des solutions pour limiter l’impact sanitaire de ces maladies. Elles s’inscrivent le long d’un continuum EcoHealth-One Health, avec l’ambition de prendre en compte l’ensemble des agents impliqués dans l’écologie des maladies infectieuses, incluant réservoirs, vecteurs, agents pathogènes et microbiome, mais aussi l’environnement et les facteurs liés aux comportements et usages humains.
Nos terrains d’étude privilégiés incluent la France, l’Afrique de l’Ouest et Madagascar.
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Les captures du jour, Nord Sénégal, novembre 2016. | Sensibilisation sur les rongeurs, écoles du Ferlo, Sénégal, février 2017. |
Nos travaux se déclinent selon trois grands axes :
1. La caractérisation des réservoirs, de leur microbiome, des vecteurs et des agents de zoonoses dans leur environnement
L’écologie de la santé doit pouvoir s’appuyer en premier lieu sur la caractérisation précise des systèmes infectieux. Pour cela, nous faisons appel à la taxonomie intégrative et aux approches de génomique pour identifier les taxons composant les assemblages de mammifères réservoirs, leur microbiome et certains de leurs ectoparasites vecteurs d’agents zoonotiques tels que les puces. Nous internalisons de façon croissante des outils moléculaires et sérologiques permettant de détecter et caractériser des pathogènes comme les leptospires, les trypanosomes, les hantavirus ou les schistosomes. De plus, nous avons développé une bonne expertise pour décrire les compartiments microbiens dans leur ensemble, qu’ils soient pathogènes ou commensaux, au travers d’approches de séquençage haut-débit.
Ces travaux sont le plus souvent réalisés dans le cadre de suivis spatio-temporels menés dans des écosystèmes variés : villes, agroécosystèmes, forêts et habitats naturels. Cela nous permet de mieux comprendre l’impact des grands bouleversements d’origine anthropique (ex. transports, urbanisation, modes de gestion forestière, transition écologique) sur les faunes de micromammifères et les risques zoonotiques associés.
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Piégeages de rongeurs dans le quartier lacustre de Ladji à Cotonou, Bénin, pour étudier la leptospirose (photo G. Dobigny) |
Notre expertise en génétique et génomique des populations nous permet par ailleurs de décrire la structuration spatiale des réservoirs et des vecteurs, d’inférer leurs dynamiques démographiques ou de tester des scénarios d’invasion biologique. Pour cela, nous utilisons des approches faisant appel à des marqueurs moléculaires tel que le génotypage de microsatellites, le séquençage et le génotypage haut débit, ainsi que des approches analytiques innovantes : random forest, DIY-ABC, MAPPI, etc.
2. L’écologie évolutive des interactions dans les systèmes hôtes-pathogènes
Il est désormais établi que les agents pathogènes évoluent au sein de communautés microbiennes diversifiées, commensales et pathogéniques, à des échelles intra- et inter-hôtes. La description de l’environnement biotique des pathogènes et de leurs réservoirs est un prérequis essentiel pour étudier l’influence des interactions sur la sévérité des maladies, ainsi que sur leurs dynamiques épidémiologiques et évolutives. Par conséquent, un de nos objectifs est de caractériser les réseaux d’interactions hôtes – parasites – microbiote dans les populations et les communautés naturelles de micromammifères. Pour cela, nous développons des approches permettant d’étudier la stabilité, la vulnérabilité ou la résilience de ces réseaux d’interactions face aux changements globaux, et d’en identifier les éléments clés dans la dynamique de transmission des pathogènes.
Nos recherches visent aussi à mieux comprendre les processus écologiques et évolutifs qui façonnent les interactions hôtes – pathogènes et expliquent la persistance, l’émergence ou la réémergence des zoonoses. Ces travaux impliquent des approches d'immunoécologie et de phylogénomique, de génomique des populations et de transcriptomique, menées sur des populations naturelles (ou en milieu contrôlé via des collaborations). Il s’agit, par exemple, d’évaluer si les diversités virales intra- et inter-hôtes affectent la transmission des hantavirus, ou d’étudier la variabilité du phénotype immunitaire de l’hôte et sa réponse (sensibilité, résistance ou tolérance) à différents pathogènes (hantavirus ; Plasmodium murin ; Yersinia pestis). Là encore, nous nous appuyons sur le développement d’approches « omiques » pour analyser simultanément différentes voies immunitaires et caractériser l’architecture génétique de la réponse. Cela implique l’identification chez les hôtes et les pathogènes des caractéristiques génétiques impliquées dans la virulence, notamment pour l'hantavirus Puumala. Nous étudions également l’évolution de cette virulence, par exemple dans le contexte d’un changement d’hôtes pour Toxoplasma ou le Plasmodium murin, ou d’un changement de communauté de micromammifères ou du microbiome pour l'hantavirus Puumala.
3. La production de connaissances pour la prédiction des risques zoonotiques et le développement de stratégies de contrôle des réservoirs
En tant que réservoirs, les petits mammifères et notamment les rongeurs représentent une cible importante pour contrôler de nombreuses maladies zoonotiques qui touchent l’humain. Ainsi, plusieurs de nos chantiers visent à proposer et évaluer des stratégies de gestion de ces réservoirs en concertation avec les différentes parties prenantes incluant les organisations internationales, les acteurs politiques et socio-économiques, les habitants et les publics à risque.
À titre d’exemple, plusieurs projets en cours en Europe et en Afrique visent à comprendre le risque d’exposition de certains publics à des pathogènes transmis par les micromammifères. Pour cela, nous essayons de déterminer à l’échelle d’un écosystème la distribution spatio-temporelle d’agents zoonotiques (ex. Leptospira, hantavirus, Borrelia crocidurae, Yersinia pestis, Schistosoma spp.) en lien avec les facteurs socio-environnementaux (ex. paysage, élevage, usages). Ces approches nous permettent de cartographier le risque dans le temps et dans l’espace (ex. suivi du virus Puumala en France), d’alerter les autorités sanitaires (ex. leptospirose et hantavirus Seoul au Bénin) et d’orienter en conséquence la surveillance (ex. mise en place d’une plateforme portuaire de surveillance environnementale au Bénin) ou les stratégies de contrôle (ex. projet pilote de gestion environnementale des rongeurs urbains – Ecologically-Based Rodent Management – au Niger, au Bénin, en Éthiopie et à Madagascar).
Pour mener à bien l’ensemble de ces travaux, nous nous appuyons largement sur les expertises de nos plateaux techniques de biologie moléculaire, collections et informatique. Nous avons également développé un vaste réseau de collaborateurs en France, en Europe et en Afrique, tant académiques (ex. UMRs et universités partenaires, ANSES, Instituts Pasteur, Centres Nationaux de Référence de l’OMS) qu’opérationnels (ex. hôpitaux, entreprises, services santé-environnement de différentes villes, ONF), politiques (ex. ministères) ou de la société civile (ex. ONG, groupements participatifs, associations).
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Piégeage de rongeurs à Agla, un quartier de Cotonou au Bénin, pour étudier l'écologie de la leptospirose (photo G. Dobigny) |