Génomique bactérienne, métagénomique et microbiote des nématodes

Génomique bactérienne, métagénomique et microbiote des nématodes

L'étude de l'histoire génomique évolutive des bactéries Xenorhabdus/Photorhabdus et l'intégration de la notion de pathobiome dans l'étude du cycle parasitaire éclaire notre vision de l'écologie des nématodes entomopathogènes.

Histoire évolutive et facteurs d'adaptation à l'hôte chez les bactéries des genres Photorhabdus et Xenorhabdus

Les bactéries des genres Photorhabdus et Xenorhabdus sont symbiotiques de nématodes et pathogènes d’insectes. A travers divers contrats (Genoscope 2007-2008; start-up Nosopharm, Nîmes 2010-2011) et des collaborations internationales (consortium américain Xenorhabdus, Université du Wisconsin et Université d'Arizona), nous avons regroupé dans les bases de données de séquence de MicroScope (https://mage.genoscope.cns.fr/microscope/home/index.php) les génomes couvrant une bonne partie de la diversité phylogénétique de ces deux genres bactériens. Des approches de génomique comparative et fonctionnelle ont été menées et ont conduit aux principaux résultats suivants :

  • Les genres Photorhabdus et Xenorhabdus sont divergents du point de vue génomique malgré une convergence de style de vie (Chaston et al, 2011).
  • Au sein de ces deux genres bactériens, les régions de plasticité génomique (îlots génomiques, prophages et régions hypervariables) sont riches en gènes codant des facteurs d’adaptation bactériens à l’environnement biotique et abiotique et sont constituées d’une mosaïque de modules fonctionnels et mobiles (Ogier et al, 2010) (Figure 1).
  • Chez certaines espèces de Xenorhabdus, une réduction génomique s'est produite par délétion de modules génomiques. L’hypothèse du stream-lining suite à une complémentarité fonctionnelle importante entre les symbiontes et leur hôte nématode est proposée (Ogier et al, 2014).
  • Chez d’autres espèces de Xenorhabdus, la génomique comparative entre une souche virulente et une souche non virulente suggère l'existence d'un compromis entre l'exploitation optimale du cadavre et la capacité d'inhibition des micro-organismes chez le cadavre de l'insecte (Bisch et al, 2016).
  • Certains facteurs d’adaptation au cycle parasitaire ont pu être identifiés : système de sécrétion de type 5 (Ogier et al, 2016), de type 6 (McMullenII et al, 2017), métabolites secondaires impliqués dans l'activité insecticide (Kim et al, 2017) ou dans les activités antimicrobiennes (Pantel et al, 2018).
Génomique_Figure1

Figure 1. Diagramme schématique de la structure modulaire d’une RGP (region of genomic plasticty) dans le génome de Xenorhabdus nematophila ATCC19061 (Xn) (panel A) et des modules correspondants dans le génome de Photorhabdus luminescens TT01 (Pl), Photorhabdus asymbiotica ATCC43949 (Pa), Xenorhabdus bovienii SS-2004 (Xb) (panel B).

Métagénomique et microbiote des nématodes

L’explosion des connaissances sur le microbiote, c‘est-à-dire la communauté de microbes associée à un hôte, et les conséquences qui découlent de ses variations (par exemple, des maladies intestinales chroniques suite aux altérations du microbiote intestinal humain) conduisent actuellement la communauté des microbiologistes pathologistes à revoir sa vision fondée sur l’équation « une maladie = un pathogène » et à l’élargir à la notion de pathobiome, c’est-à-dire « une maladie = un pathogène + une communauté de microbes qui peuvent influencer le déroulé et l’issue de la maladie ».

Nous nous sommes intéressés à décrire la communauté bactérienne associée aux nématodes entomopathogènes (NEPs) en plus de leurs symbiotes Xenorhabdus ou Photorhabdus. Pour cela, nous avons conçu des outils adaptés pour décrire les espèces bactériennes associées aux formes infestantes des NEPs, les IJs (Figure 2), par des approches moléculaires de metabarcoding (Ogier et al, 2019) ou des approches de culturomique (Pagès et al, 2020).

Génomique_Figure3

Figure 2. Détail d’une forme infestante de nématode entomopathogène ou IJ (grossissement x 400) avec des bactéries inter-cuticulaires qui sont parfois observées, et qui pourraient être des membres du FAM.

Nous avons mis en évidence une communauté bactérienne d’une dizaine d’espèces cultivables (principalement Protéobactérie) fréquemment associée aux IJs (FAM pour Frequently associated microbiota) (Figure 3). Au sein de cette communauté, l’espèce Pseudomonas protegens est aussi entomopathogène que les symbiontes (Ogier et al, 2020). Nous allons poursuivre ces études pour évaluer le rôle potentiel de chacun des membres du microbiote des IJs dans le cycle parasitaire chez l’insecte. Cette microflore associée est probablement d’importance pour une efficacité optimale des activités entomotoxiques des complexes némato-bactériens comme agents de biocontrôle contre les insectes ravageurs de récolte. Nos résultats ont donc des retombées opérationnelles pour la production de ces agents avec un maintien a minima de leur microflore (production in vitro en fermenteurs ou sur insectes).

Génomique_Figure2

Figure 3. Occurrence (axe des abcisses) et fréquence de forte abondance (axe des ordonnées) des OTUs (operational taxonomic units) associées avec les formes infestantes de Steinernema carpocapsae. Les OTUs sont décrites par metabarcoding avec le marqueur rpoB ou V3V4 du gène de l’ARNr 16S.

Bibliographie

Bisch, G., Ogier, J.-C., Médigue, C., Rouy, Z., Vincent, S., Tailliez, P., et al., 2016. Comparative genomics between two Xenorhabdus bovienii strains highlights differential evolutionary scenarios within an entomopathogenic bacterial species. Genome Biol Evol 8, 148-160. DOI : 10.1093/gbe/evv248.

Chaston, J.M., Suen, G., Tucker, S.L., Andersen, A.W., Bhasin, A., Bode, E., et al., 2011. The entomopathogenic bacterial endosymbionts Xenorhabdus and Photorhabdus: convergent lifestyles from divergent genomes. PLoS One 6. DOI : 10.1371/journal.pone.0027909.

Kim, I.-H., Aryal, S.K., Aghai, D.T., Casanova-Torres, Á.M., Hillman, K., Kozuch, M.P., et al., 2017. The insect pathogenic bacterium Xenorhabdus innexi has attenuated virulence in multiple insect model hosts yet encodes a potent mosquitocidal toxin. BMC Genomics 18, 25 p. DOI : 10.1186/s12864-017-4311-4.

McMullen II, J.G., McQuade, R., Ogier, J.-C., Pagès, S., Gaudriault, S., Stock, P.S., 2017. Variable virulence phenotype of Xenorhabdus bovienii (γ-Proteobacteria: Enterobacteriaceae) in the absence of their vector hosts. Microbiology163, 510-522. DOI : 10.1099/mic.0.000449.

Ogier, J.C., Calteau, A., Forst, S., Goodrich-Blair, H., Roche, D., Rouy, Z., et al., 2010. Units of plasticity in bacterial genomes: new insight from the comparative genomics of two bacteria interacting with invertebrates, Photorhabdus and XenorhabdusBMC Genomics 11, 568. DOI : 10.1186/1471-2164-11-568.

Ogier, J.-C., Pagès, S., Bisch, G., Chiapello, H., Médigue, C., Rouy, Z., et al., 2014. Attenuated virulence and genomic reductive evolution in the entomopathogenic bacterial symbiont species, Xenorhabdus poinarii. Genome Biol Evol 6, 1495-1513. DOI : 10.1093/gbe/evu119.

Ogier, J.-C., Duvic, B., Lanois, A., Givaudan, A., Gaudriault, S., 2016. A new member of the growing family of contact-dependent gowth inhibition systems in Xenorhabdus doucetiaePLoS One 11, 19 p. DOI : 10.1371/journal.pone.0167443.

Ogier, J.-C., Pagès, S., Galan, M., Barret, M., Gaudriault, S., 2019. rpoB, a promising marker for analyzing the diversity of bacterial communities by amplicon sequencing. BMC Microbiol 19. DOI : 10.1186/s12866-019-1546-z.

Ogier, J.C., Pagès, S., Frayssinet, M., Gaudriault, S., 2020. Entomopathogenic nematode-associated microbiota: from monoxenic paradigm to pathobiome. Microbiome8, 25. DOI : 10.1186/s40168-020-00800-5.

Pagès, S., Ogier, J.-C., Gaudriault, S., 2020. A novel semi-selective medium for Pseudomonas protegens isolation from soil samples. J Microbiol Methods, 105911. DOI : 10.1016/j.mimet.2020.105911.

Pantel, L., Florin, T., Dobosz-Bartoszek, M., Racine, E., Sarciaux, M., Serri, M., et al., 2018. Odilorhabdins, antibacterial agents that cause miscoding by binding at a new ribosomal site. Mol Cell, 70, 83-94.e7. DOI : 10.1016/j.molcel.2018.03.001.

Date de modification : 17 juillet 2023 | Date de création : 02 novembre 2013 | Rédaction : S. Gaudriault, B. Duvic