En parallèle

En parallèle, nous nous intéressons également à la diversité des associations virus - guêpes ichneumonides

Ci-dessous deux exemples de nos travaux illustrant cette diversité

Identification d’une machinerie ichnovirale chez un parasitoïde de coléoptères produisant des particules atypiques

Dans la littérature, les ichnovirus sont décrits comme étant associés à des parasitoïdes de larves de lépidoptères. Les espèces du genre Bathyplectes, des ichneumonides campoplegine qui parasitent des larves du ravageur de la luzerne Hypera postica (Coleoptera: Curculionidae), produisent également des particules virales dans leurs ovaires. Cependant, ces particules sont atypiques comparées aux particules d’ichnovirus classiques (Figure 4). Il se posait donc la question de leur nature.

Figure 4

Figure 4. Vue en microscopie électronique des particules virales produites chez Bathyplectes sp. (diam. ~200 nm) et Hyposoter sp. (long ~300 nm)). Figure extraite de la publication de l’équipe DOI : 10.1016/j.virusres.2019.02.001.

Pour connaitre la nature de ces particules atypiques, le transcriptome d’ovaires de Bathyplectes anurus a été analysé (Robin et al, 2019). Nous avons ainsi pu identifier un total de 28 homologues à des gènes de la machinerie ichnovirale, ainsi que quelques séquences correspondant à des gènes de la famille des repeat element, caractéristiques des segments encapsidés dans les particules d’ichnovirus de campoplegines. Les particules atypiques de ce parasitoïde sont donc apparentées aux ichnovirus.

Ce travail montre la diversité des particules pouvant être produites par la machinerie qui dérive a priori d’un évènement unique d’intégration d’un génome viral ancêtre.

Perte de l’ichnovirus et exaptation d’un nudivirus dans la lignée du parasitoïde Venturia canescens

Venturia canescens est un campoplegine parasitoïde de ravageur des denrées stockées (Ephestia kuehniella, par ex.). Cette espèce, pourtant proche phylogénétiquement d’espèces associées à des ichnovirus, produit des particules dépourvues d’ADN appelées « Virus-like particles » (VLP) (Figure 5). Les VLP renferment principalement des protéines codées par des gènes de la guêpe. Elles s’associent aux œufs dans la lumière des oviductes et protègent ces derniers d’une destruction par le système immunitaire de l’hôte. Nos travaux ont montré que les VLP dérivent de l’incorporation d’un génome d’un alphanudivirus (Pichon et al, 2015). L’analyse du génome de la guêpe a également permis d’identifier des séquences d’ichnovirus profondément remaniées. Ceci indique que l’ancêtre de cette guêpe était bien associé à un ichnovirus et que l’incorporation du nudivirus s’est traduite par un remplacement de symbiote viral. Il s’agit du premier exemple décrit de remplacement d’un virus endogène jouant un rôle fonctionnel dans le cycle de vie de l’organisme qui l’héberge.

Figure 5

Figure 5. Vue en microscopie électronique des VLPs produites chez Venturia canescens. Figure extraite de la publication de l’équipe DOI: 10.1051/medsci/20163208013.

Le génome de V. canescens renferme 51 gènes nudiviraux fonctionnels, dont de nombreux gènes cœur des nudivirus mais aucun gène codant des protéines de capsides ou impliquées dans l’empaquetage de l’ADN viral, ce qui était cohérent avec l’absence d’ADN dans les VLP. Une analyse plus fine du génome de V. canescens a révélé que ces gènes impliqués dans la réplication et l'encapsidation de l'ADN viral sont présents sous forme de pseudogènes (Leobold et al, 2018). Ceci supporte l’hypothèse qu'un génome de nudivirus entier s’est initialement intégré dans un chromosome de guêpe.

Les polydnavirus du genre bracovirus dérivent aussi de l’intégration d’un nudivirus, mais différent de celui à l’origine des VLP. Ainsi nos travaux montrent que deux évènements indépendants de captures de génomes de nudivirus dans deux lignées de guêpes parasitoïdes ont conduit à deux modalités d’évolution des séquences virales endogènes qui se traduisent par des stratégies différentes de contrôle de la physiologie de l’hôte, consistant à transférer soit des gènes (cas des bracovirus), soit des protéines (cas des VLP) vers l’hôte du parasitoïde.

Date de modification : 17 juillet 2023 | Date de création : 28 mai 2021 | Rédaction : A.-N. Volkoff, B. Duvic